Rock. Claviers.Télérama.

Que de courage il faut en 1982 pour sortir un disque solitaire sans autre instrument qu’un unique classique grand piano noir !
Oeuvre douce ponctuée par de nombreux silences, perdue au milieu d’un océan de bruit.
Quelle force et… Mais n’est ce pas le même courage qu’il fallu, à leurs débuts, à
Keith Jarrett, Chick Coréa, à Erik Satie ou, dans un autre registre, aux Pink Floyd, aux Beatles, à Genesis… pour imposer, chacun dans leur style, un art, une idée, une musique nouvelle venant déranger les habitudes ancestrales.

Qui ose en 82 bouleverser la hiérarchie des valeurs existantes ?
Un pianiste talentueux au passé musical déjà vaste. Déranger non pas dans la forme puisque son oeuvre reste très classique, mais dans le fond.
Un pianiste nourri depuis quinze ans d’écoutes attentives et de regards vigilants.
Un instrumentiste amoureux des maîtres cités ci-dessus mais tourné vers l’avenir.
Un pianiste compliqué qui vous démontre avec simplicité que le piano n’est pas un instrument réservé aux seuls "génies" des conservatoires.

Faut-il préciser que jusqu’au jour de la création de ce disque, le pianiste n’a jamais pris la moindre leçon de musique.
Ce qui explique pourquoi "Energies Douces" est un disuqe si frais aux harmonies si diverses.
La musique ici évolue et vit, les découvertes harmoniques antérieures ne servent à notre pianiste que pour en recréer de nouvelles.
Qu’est ce qui peut bien perturber dans un disque aussi harmonique, romantique et amoureux d’énergies douces ?
Peut-être le piano magique de l’instrumentiste, piano apparemment singulier qui prend naissance dans le passé et qui s’arrête quelque part dans le futur ?
A moins que ce ne soit le mot magique ?
Cela vous intrigue ?
Moi pas !!
Moi qui ai gouté à la fragilité sensuelle de cet album, qui me suis retrouvé en 5’38
en plein milieu d’un océan, heureusement pacifique, qui me suis fait bercer pendant six minutes sur un manège d’automnes qui entrainait dans sa course un tourbillon de feuilles mortes.
J’ai même cru voir un jour, à Monaco, sous une légère pluie, la fille de Major Locrian, adorable petite fleur aux yeux et au profil tendres.
les images, simples au départ, peuvent se multiplier ainsi à l’infini, comme par enchantement.
Je vois que vous commencez à me comprendre.
Vous venez de découvrir l’un des plus élégant disque de piano solo jamais réalisé par un artiste…son nom ? AH ! J’oubliais… Il se nomme Henri Roger.
Nom qui n’a pas fini de vous étonner, surtout quand on connaît les multiples autres possibilités de ce musicien.
Luc Marianni. Rock, novembre 1982.

Derrière Taï Phong, avec Melody ou équipier de Mama Béa, Henri Roger vit au coeur d’un monde trop singulier pour le partager longtemps avec d’autres : d’où carrière et disques solos.
Le titre de son album résume parfaitement son style.
l’énergie du rock, la force du rythme, la gravité de l’écriture sont tempérées par la douceur des mélodies, le soyeux des timbres, l’humilité de l’auteur.
Claviers, février 1983.