When Henri Roger doesn’t sleep…
J’aime bien les gens un peu foufous, et tout particulièrement les artistes qui osent s’affranchir des contraintes économiques du quotidien pour assouvir leurs passions et permettre à leurs rêves de se matérialiser : par exemple en vous balançant, à quelques mois d’intervalles, deux trente-trois tours. Oui oui, vous avez bien lu : des trente-trois tours ou, si vous préférez, des vinyles, ou des LP comme on disait autrefois pour montrer qu’on s’y connaissait en anglo-saxonneries. Et pas des galettes ultra-légères qui se gondolent à Venise ou ailleurs, telles celles qu’on avait vu apparaître dès la fin de l’année 1973, dans la foulée de la première crise du pétrole et de la terrible "Chasse au Gaspi" pompidolo-giscardienne. Non, je vous parle de disques bien épais, droits dans leurs deux sillons (un par face, comme vous ne l’ignorez pas), des vrais, des costauds, des rigides qui sentent l’eau de Cologne et qui ne ploient pas du bec et sont, à leur façon, un sacré pied de nez aux téléchargements de tout poil et autres musiques dématérialisées, quand elles ne sont pas écrêtées (un sujet que ne manquera pas d’aborder un jour l’inénarrable Laurent Coq, ce qui serait anatomiquement logique, soit dit en passant). Ici, on n’oublie pas que si la musique s’écoute, elles nous touche aussi en se laissant toucher, en acceptant de sentir sa pochette délicatement caressée par des mains avides de palpation durable et de palpitation tactile. L’objet, nom d’un disque, ça peut vouloir dire quelque chose encore ! C’est un compagnon qu’on fait entrer chez soi, auquel on réserve une place unique, à l’abri dans un rayonnage cosy où peut régner parfois, sachons-le, la dictature péremptoire d’un double classement par genre et ordre alphabétique et d’où il sera extrait à intervalles réguliers dans un cérémonial que nous envient sans oser se l’avouer les assoiffés du peer to peer (qu’on peut traduire par pair à pair, et non paire à paire comme le redoute tant la terrifiante Christine B.).

Oui, mesdames et messieurs, lecteurs et lecteuses, j’ai fait récemment l’acquisition, en m’abreuvant directement à la source de leur géniteur, de deux bons vrais albums noirs d’un diamètre de trente centimètres qu’on pose sur un plateau qu’une platine s’obstinera à faire tourner à la vitesse précise de trente-trois révolutions par minute. Cerise sur le gâteau, ces disques chéris font l’objet d’un élégant conditionnement, tout en subtils reflets et transparences et le plaisir d’arriver accompagnés, l’un d’un DVD, l’autre d’un CD, malicieusement glissés dans la pochette bien trop spacieuse pour leur carrure d’ablettes. Preuve que pour fidèle qu’on soit aux désormais ancestrales galettes, on n’en est pas moins en prise directe avec les technologies du moment. Encore que… DVD, CD, tout cela sent le présent parfumé au passé, mais c’est une autre histoire qu’on appelle le futur. Et je lis ici ou là, sous la plume virtuelle de quelques prétendus experts de la chose marketée, qu’il existerait encore une niche pour ce genre de produits. Une niche… faut vraiment avoir été façonné par une école de commerce ruineuse pour proférer ce genre d’inepties.
Je ne sais pas si le pianiste guitariste improvisateur et homme pétri d’humour Henri Roger vendra beaucoup de ses Exsurgences solitaires ni de sa SéRieuse Improvised Cartoon Music enregistrée par un quatuor joyeusement allumé sous le titre évocateur de When Bip Bip Sleeps, mais je me permets de lui souhaiter d’en écouler des milliers (allons, ne soyons pas chiche et pourquoi mégoter ? Que ces albums s’envolent par millions dans la stratosphère des acheteurs incontinents que nous fûmes dans notre jeunesse et qu’ils déversent sur le musicien des torrents de pièces d’or…) afin que, sans trop attendre, le monsieur nous fourbisse vite un troisième volet musico-pétrolifère que je m’empresserai de lui pré-commander à l’instant même où il nos fera l’amabilité d’en signaler la possible existence…
Quoi ? Henri Roger, vous ne savez pas qui est ce monsieur ? Tsss tsss tsss, pas sérieux tout ça ! Bon, je suis de bonne humeur alors j’essaie de vous résumer le personnage que j’ai tendance à considérer comme un type un peu génial, totalement singulier parce qu’amateur de musiques plurielles, épris de libertés (le s, c’est fait exprès), imprévisible, inventeur improvisateur, une sorte de Tryphon Tournesol des portées, un autodidacte zébulon qui goûte également aux délices du dessin. Bref, une petite mine d’or à lui tout seul, dont le talent est aussi d’apprendre à celui qui l’écoute d’aller au-delà des conventions stylistiques pour se laisser guider vers un monde onirique et bigarré - qui n’exclut pas une part d’introspection, en témoignent ses élégantes Exsurgences - dont l’idiome le plus couramment parlé est la surprise. Toutes ces indéniables qualités sont fort bien présentées sur son site Internet dont, vous le devinez, l’apparence est, comment dire, sui generis.
L’an passé, j’avais salué du côté de chez Citizen Jazz les belles embardées d’un duo formé avec le toujours juste Bruno Tocanne, dont la batterie attentive était un écho stimulant aux élancements de la guitare et du piano. Ce Remedios la Belle, librement inspiré des 100 ans de solitude de Gabriel Garcia-Marquez, avait vu le jour sur le Petit Label dont les pochettes sont, soit dit en passant, de miraculeux petits trésors cartonnés.
Deux LP, donc. Le premier, Exsurgences, est pour Henri Roger l’occasion d’une confrontation avec lui-même au piano. Côté vinyle, quatre mouvements, dont l’un occupe à lui-seul la première face ; côté DVD, cinq autres déclinaisons, illustrées par une travail vidéo d’Anne Pesce, qui a réalisé par ailleurs la très belle pochette. Musique entêtante, presque hypnotique, ample et généreuse, aux couleurs du soir. Pas exactement celle qui illustrera vos prime time druckerisés, mais tout juste celle dont vous aurez besoin pour comprendre que l’ailleurs est souvent meilleur et, surtout, pourvoyeur de ces discrètes richesses dont vous n’auriez pas forcément soupçonné l’existence et qui vous deviennent comme une nécessité au moment où elles s’ouvrent à vous.
Beaucoup plus “chien fou” est le quartet qu’a composé Henri Roger pour délivrer sa SéRieuse Improvised Cartoon Music : on y retrouve avec plaisir Bruno Tocanne, ainsi qu’Éric-Maria Couturier au violoncelle et Émilie Lesbros chargée de la voix et d’une énigmatique boîte à sons. Cinq aventures sur un CD, quatre autres sur le 33 tours, le tout baptisé When Bip Bip Sleeps et, si l’on voulait résumer, un foutraque feu d’artifice sonore où le célèbre coyote aurait bien du mal à poser la moindre patte sur le Road Runner. On a plutôt l’impression qu’il s’en est coincé une ou deux dans une prise de courant : imaginez la bestiole tout ébouriffée, la langue pendante et les yeux exorbités, et vous aurez une idée assez précise de ce à quoi vous pouvez vous attendre au moment où le bras articulé et sa pointe en diamant auront atterri sur le champ vinylique et libéré le ploc annonciateur du son gravé. Ce détournement sonore animé ressemble à s’y méprendre à une joyeuse entreprise de démolition des repères, sa succession d’explosions et de chausse-trapes est un étourdissement, certes pas à mettre d’emblée au cœur des oreilles élevées dans la douceur ouatée des musiques attendues, mais il constitue un tel vecteur d’éveil qu’on se surprend, après une immersion prolongée dans un monde aussi affolé, à imaginer qu’il ne se passe plus rien.
Voilà donc, en quelques lignes - merci d’être parvenus jusqu’à l’ultime paragraphe - une proposition pré-estivale de dépaysement musical dont vous reviendrez tout bronzés de l’intérieur, chargés d’une dose salutaire de vitamine D pianistique. Henri Roger et sa bonne pharmacie sont à vos côtés, vous allez vite vous sentir beaucoup mieux. Vous m’en prendrez un comprimé avant chaque repas !
PS : Bruno Tocanne me souffle dans l’oreillette que les deux disques dont il est question ici sont disponibles chezInstant Musics Records. Il a bien raison le bougre !
Seconde référence du label Facing You créé par le pianiste-guitariste polyinstrumentiste Henri Roger en association avec le label IMR et à nouveau un LP 30cm associé cette fois à un CD. Le jeu qu’il a proposé à ses complices à consisté à improviser des séquences après que chacun se soit imprégné de bons vieux cartoons aux musiques souvent très complexes et élaborées. on aurait imaginé la musique inventée par ces quatre improvisateurs de haut niveau plus joyeuse et débridée qu’elle n’apparaît à l’écoute. Encore une fois (et c’est souvent les cas avec l’improvisation totale), cette musique est sans doute plus passionnante à jouer qu’à écouter. Vont-ils réveiller Bip Bip ?
La musique est une carte infinie où les routes se croisent, se perdent, font des demi-tours ou saignent de grandes lignes droites à travers des forêts en friches. Pour peu qu’on soit un peu curieux et aventureux, on découvre toujours de nouvelles clairières, de nouveaux ponts plus ou moins improvisés et des chemins à flanc de falaises. Mais surtout des voix uniques, étranges, singulières comme celle d’Henri Roger, pianiste et guitariste qui a fait de la musique improvisée son véhicule et de l’insatiable curiosité sa boussole.
Deux raisons pour se lancer à sa découverte promptement.
Si les réseaux sociaux ont facilité l’accès du fureteur à la nouveauté et aux marges, Henri en est certainement l’exemple le plus criant. Musicien depuis 40 ans sur diverses scènes, du rock au jazz, esprit libre et frappeur, c’est sur les internets que l’on découvre le plus facilement sa musique, après avoir discuté avec lui et qu’ils vous aient fait partager son expérience et sa connaissance livresque.
Entre guitare et piano, il n’y a pas à choisir. C’est heureux, Henri n’a pas choisi. On se rapportera à son remarquable solo de piano voyageur, Exsurgences, pour s’en convaincre. Mais c’est surtout quand il s’agit de partager la musique avec d’autres improvisateurs que le propos s’enflamme et que les deux instruments se mêlent.
Compagnon de longue date du batteur Bruno Tocanne, que l’on retrouve ici, ils ont enregistré ensemble Remedios La Belle que mon camarade Denis avait brillament chroniqué. Mais Henri Roger a aussi croisé François Cotinaud, Barre Phillips… Il concocte en ce moment même un trio avec la remarquable et soudée paire rythmique constituée de Benjamin Duboc et Didier Lasserre. Au mitan des prises de risque et des générations avec pour but l’échange et l’instant. L’idée, donc.
Voilà ce qui motive les rencontres sans filet, parmi lesquelles The SéRieuse Improvised Cartoon Music Quartet fait office de coup de maître et de symbole.
A la fois farouchement libertaire et inscrit dans le respect d’une tradition, ce disque vinyl -oui, avec le trou au milieu et le sillon baladeur- où l’on retrouve également la chanteuse Emilie Lesbros et le violoncelliste Eric-Maria Couturier est un hommage iconoclaste au compositeur Scott Bradley qui s’intéressa à Schoenberg et transposa ses idées dans une musique populaire. Celle des films de Tex Avery en l’occurence.
On peut être surpris de découvrir le violoncelliste de l’Intercontemporain dans un tel projet, mais ce serait oublier qu’on le trouvait dans le beau disque de Viret, mais qu’on l’a également vu avec Barre Phillips… Et qu’entre les musiques contemporaines et les musiques improvisées, la différence est si ténue qu’elle tient parfois à un souffle ou à un trait de crayon. Il suffit d’écouter "Are You Happy ?" Pour s’en convaincre.
Le principe imaginé par Henri Roger est simple. Après avoir fait écouter six compositions tirées de six dessins animés déjantés où Bip-Bip ne croise le vilain coyote que pour le railler copieusement, il invite ses comparses à se laisser aller dans cet univers plein de rebondissements, d’ACME fumantes ou explosantes et de chausse-trappes multicolores. On peut être surpris, on est vite conquis. Par Emilie Lesbros d’abord qui tonne, gronde, rape, entonne une ritournelle étouffée ou vocalise le fond de sa gorge dans le remarquable "At The Circus" qui est certainement le morceau le plus consistant de When Bip Bip Sleeps.
Si Bip Bip dort, d’ailleurs, et on le pense dans le songe électrique du milieu de l’album, on ne peut pas dire que le coyote danse. Il se débat dans les éboulis et fait exploser toutes ses fusées sous les percussions toujours aussi coloristes de Tocanne et les traits de guitare qui font songer que Zappa est parfois caché derrière un gros caillou pour lancer un "Bouh" impassible, à la Droopy. A découvrir absolument. That’s All Folks ! Sun Ship
Chronique All About Jazz. Eyal Hareuveni. Juillet 2013
Extended Analysis
Henri Roger : When Bip Bip Sleeps
By EYAL HAREUVENI, Published : July 21, 2013
How can a free improvised setting, a typical serious musical happening, serious-as-your-life, almost by definition, blend with music associated with fun, such as cartoons soundtracks ? Quite naturally if open-minded musicians participate in such happening, ones who disregard such artificial distinctions and like to blur outdated conventions.
French self-taught guitarist and pianist Henri Roger thought about such a mixed happening. He asked vocal artist Emilie Lesbros, cello master Eric Maria Couturier, solo cellist for the noted Ensmble InterContemporain that was founded by iconoclastic composer Pierre Boulez, and acclaimed jazz drummer Bruno Tocanne—now all named as The SéRieuse Cartoon Improvised Music Quartet—to join him for a free improvised session that references the work of American composer Scott Bradley. Bradley wrote music for many beloved cartoons series such as Tom and Jerry and Tex Avery, but he was also known for introducing for what he defined as "funny musdic"—exceptional compositional devices as the twelve-tones concept of composer Arnold Schoenberg, as well as ideas from other modern composers as [Béla Bartók and [Paul Hindemith.
With such influential references it is clear that humor, playfulness and game-like interactions will characterize this happening. But this happening—presented on a vinyl with accompanying disc—is so successful simply because these four musicians regard their humor with utmost seriousness. There are healthy doses of invented sounds, a sense of adventure and taking risks, a unique sense of timing and reflection, as well as a stubborn attempt to frame the immediate interplay in a broad picture. A much bigger, maybe updated and futuristic picture, that on one side references the work of Bradley with irreverent perspective but on the other side refuses completely to root itself in any genre or style, or to attach itself to any articulation.
The ideas are flowing and accumulated, juggled between all four members, toyed for brief seconds and abandoned for newer, shinier ones. Often the busy and noisy musical conversations sound as paying tributes to Butch Morris or early compositional devices of John Zorn. But these conversations sound more as wandering in a long and winding labyrinth of mirrors. The scope of ideas and its immediate exchange, elaboration and fast shaping into other extraterritorial forms of sonic textures save this meeting from falling into any musical clichés.
The interaction on improvisation on "Don’t Talk To Me Like That" acknowledges its roots in the dynamic plot of a cartoon series, but does not obey the form of this genre. There are too many detours into sonic alleys, the process of tension building is mocked, the leading players as portrayed by the musicians sound as untamed, ill-mannered players who succumbed joyfully to a deep and colorful psychedelic trip, busy inventing new, proactive forms of expression and to get lost in this tasking process.
There are glimpses of free jazz interactions, mainly when drummer Toccane takes a leading role, as on "Are you Happy ?," but most of the time he prefers to color the dense conversations. Vocalist Lesbro’s invented language and the virtuous cello playing of Couturier with the invented sound universes of Roger push these wild conversations to different poles. Only on "At The Circus" the busy interplay slows down and this improvisation may sound as part of extreme cinematic adventure, still nuanced and inventive, but with more room for narrative progression.
A wild and highly engaging ride.
Chronique le Son du Grisli. Juillet 2013
Influencés par les musiques de Scott Bradley, un géocoucou astucieux et un coyote rapide mais pas bien malin, Henri Roger, Eric-Maria Couturier, Emilie Lesbros et Bruno Tocanne s’en donnent à cœur joie dans la démesure. Le pianiste harmonise la course, le violoncelliste lapide ses cordes, la chanteuse dérape à plaisir, le batteur tente de réguler le parcours. Et nos quatre amis d’habiter un monde grouillant de passions, de rires et d’éclats sans frontières.
Luc Bouquet.Le Son du Grisli
Chronique dans Rete Due décembre 2013
Una volta una donna mi disse che forse l’intelligenza è la capacità di mettere in relazione cose che non hanno relazione fra di loro (stava forse dicendo qualcosa a proposito di noi ?). Se così fosse, mi dico ora (all’epoca probabilmente mi dissi altro), l’era post-moderna sarebbe, se non la più dotata di intelligenza nella storia dell’uomo, certo un interessante tentativo di attribuirsi dell’ingegno. Inutile dire che il reciproco gradimento, mio e della signora, finì ben presto per trasformarsi in ciò che molti rimproverano al post-modernismo : assomigliare molto da vicino a un atelier di bricolage.
Come al solito la prendo molto alla larga. Ma il fatto è che sto cercando di giustificare, o di capire, meglio, che attinenza possa mai esserci fra Beep Beep e il free jazz. Beep Beep, per i pochi che non lo sapessero, è il nome di un uccello corridore uscito dall’inventiva penna di Chuck Jones sul finire degli anni ’40 che divenne protagonista di un cartone animato della Warner Bros. a fianco di Wile E. Coyote (suo infaticabile ma sfigato inseguitore). Beep Beep, contrariamente a quanto si crede, non è uno struzzo che corre (mai visto uno struzzo nella Monument Valley, il desertico pianoro teatro di tanti western dove il cartone è ambientato), ma appunto un uccello corridore (roadrunner in inglese). Nome scientifico : Geococcyx californianus. Il nostro vanta anche diversi nomi pseudo scientifici che variavano a seconda degli episodi e della fantasia dei fumettisti : Accelleratii incredibus, Velocitus tremenjus, Hot-roddicus supersonicus, Speedipus rex, Velocitus incalculii, e tanti altri ancora. Wile E. Coyote, da par suo, veniva anche definito Eatibus almost anythingus, o Desertous-operativus idioticus (e chissà che la latinizzazione forzata che fa da sfondo a una campagna pubblicitaria di una nota cassa malattia che opera alle nostre latitudini non abbia preso spunto proprio da lì. Fine della digressione).
Il free jazz è invece espressione di un affrancamento radicale. Ci riferiamo tanto a una dimensione musicale (armonica, ritmica e più genericamente espressiva) quanto sociale, o politica che dir si voglia. Le due cose sono inscindibili. Impossibile parlare di Ornette Coleman o di Max Roach senza parlare di Martin Luther King o di Malcolm X. E quindi che cosa accomuna Beep Beep, il Geococcyx californianus, al free jazz ? Apparentemente nulla (a tirarla per i capelli, potremmo accostare il periodo storico – fine anni ’50, inizio anni ’60 – o la localizzazione geografica – un ipotetico far west : la Monument Valley per Beep Beep, la Los Angeles del primo Ornette Coleman. Ma mi rendo conto che siamo, come si suol dire, alla canna del gas). Confesso però di ignorare la biografia e le passioni musicali di Scott Bradley, e cioè l’autore di molte delle musiche dei cartoni animati della Warner. Credo però che i suoi riferimenti fossero altri (studiò con Mario Castelnuovo-Tedesco, ad esempio, e nelle sue composizioni per cartoni animati riaffiorano piuttosto gli echi di Schönberg che non quelli del jazz).
Insomma, bisognerebbe chiedere lumi direttamente a Henri Roger, il quale, a capo di una combriccola di spericolati colleghi che si fa chiamare The SeRieuse Improvised Cartoon Music Quartet, ha pensato bene di manipolare in chiave free alcuni temi che Bradley compose per i cartoni animati. Siccome il post-moderno presuppone proprio questo – accostare materiali che non hanno attinenza fra di loro – l’operazione può considerarsi riuscita nella misura in cui, in ottica post-moderna, qualunque tipo di accostamento è verosimile. Questo suo When Bip Bip sleeps è un disco che assoceremmo più naturalmente a John Zorn, diciamo il Zorn anni ‘80/’90, che a sua volta sperimentò con la musica di Carl Stalling. Lo stesso Raymond Scott fu al centro di un curioso recupero in chiave jazz anni or sono. Jazz e cartoon dialogano insomma da molti anni, e quello di Henri Roger è solo uno degli ultimi (riusciti e a tratti anche divertenti) episodi della serie. Un conto però è affrontare questi materiali con lo spirito di un jazz “divertito”, altro discorso invece è immergere la musica da cartoni animati in un contesto di musica che si è sempre preso molto sul serio (il free jazz e, per esteso, la musica improvvisata tutta). La sfida non era dunque scontata, e Henri Roger la supera affrontandola con spirito lieve ma non leggero, adattando per così dire l’approccio alle circostanze (e quel The SeRieuse Improvised Cartoon Music Quartet la dice lunga sulle intenzioni). Sorprendente ma estremo. Divertente ma pur sempre impegnativo.
Corrado Antonini Rete Due
La discographie d’A l’improviste, Anne Montaron, France Musique, Mars 2016
"- When Bip Bip Sleeps, the SéRieuse Improvised Cartoon Music Quartet avec
Eric-Maria Couturier, Emilie Lesbros, Bruno Tocanne et Henri Roger.
Le disque est paru en 2013 sur le label du pianiste Henri Roger : Facing you/IMR !
Le point de départ de cet album plein d’humour ce sont les cartoons du type Tex Avery ou Tom et Jerry et la musique imaginée pour ces films d’animation américains par le compositeur Scott Bradley (ses "funny musics »).
Henri Roger nous rappelle que Bradley utilisait la série (écriture sérielle) des musiciens de la seconde école de Vienne pour écrire ses « funny musics ». D’où le ’SéRieuse’ du titre…
On a du mal à le croire !"
Anne Montaron
The SéRieuse Improvised Cartoon Music Quartet
A la recherche d’une "Musique séRieuse".
Scott Bradley est un compositeur américain de musiques pour dessins animés ( Tex Avery ) qui a utilisé les concepts d’Arnold Shoenberg dans ses compositions de "funny music", comme il la définissait lui même.
La musique contemporaine, d’habitude sérieuse, intégrée à des musiques où l’humour est le sujet principal donne un intérêt particulier à l’écoute de ces compositions sans regarder les dessins animés.
J’ai proposé à des improvisateurs d’écouter séparément,
une sélection de 6 thèmes de Scott Bradley, de passer un peu de temps avec eux.
Il ne s’agissait pas de les rejouer ou de les imiter mais de laisser cette musique entrer un peu dans le mode d’expression des artistes.
Nous nous sommes retrouvés ensuite en studio pour enregistrer un ensemble d’improvisations où
l’humour comme la musique ont été libres et partagés selon les perceptions de chaque musicien.
L’enregistrement a eu lieu au Studio 26 à Antibes en juillet 2012.
J’ai mixé pendant les mois d’août, septembre et octobre à l’Angulus.